VORSATZ J.
Par: Vittorio Mangiarotti
Un visiteur curieux qui se serait promené, en janvier 1942, dans le centre expérimental de la Rheinmetall Borsig, à Gruben, aurait pu assister à un étrange test de tir. Une mitrailleuse MG 131 tirait allégrement, ses 960 coups par minute : à l’intérieur d’un canon d’artillerie cal. 50 mm, plié avec un angle de 55°, placé à 30 mm de sa bouche !
Il s’agissait des tests conclusifs d’un projet de déflecteur de projectiles, destiné à l’armée de l’air qui avait débute en 1941 et qui fut en suite appliqué aux armes portatives.
L‘invention semble devoir être attribuée à l’esprit, qu’un jeu de mots pertinent pourrait définir tordu, au Col. Hans Schaede de l’Heereswaffenamt. Comme, manifestement l’idée ne parut pas si tordue, il fut décidé de confier le projet à la Rheinmetall Borsig, en collaboration avec la Haenel Waffen und Fahrradfabrik de Suhl, sous la supervision du Doktor Herfurtner. (houff !)
Le premier prototype, désigné comme « Gebogene Rinne 15 » était constitué d’un tube sectionné sur le plan vertical, un peu comme un’espece de gouttière tournée de 90°, adapté pour le montage sur le fusil 98k. Il avait un rayon de 250 mm et un angle de tir de 15°.
Il fut rapidement suivi par une autre modèle : avec un angle de 30° et renforce avec une arête dorsale extérieure. Avec une fantaisie toute teutonique il fut baptisé « Gebogene Rinne 30 mit Versteifungsgrippe »
Entre-temps, le moment était venu de s’intéresser aux projectiles que : insensibles à la ferveur mystique de Herr Doktor, se déformaient avec une admirable persévérance.
L’utilisation des projectiles en acier donnait des résultats satisfaisants, mais leur coût de fabrication rendait difficilement envisageable une production régulière, en temps de guerre et pour une utilisation fatalement limitée.
Les munitions perforantes 8x57 S.m.k. donnèrent des meilleurs résultats, sans toutefois solutionner le problème.
En attendant, comme la précision était loin des performances imposées par les spécification du Reich, un exemplaire avec quelques centimètre de tube aux extrémités de la gouttière, fut teste sous la désignation de: « Gebogene Rinne mit geraden enden ». Loin d’être impressionné par la noblesse du nom qu’on lui avait attribué, l’engin continua de déformer les projectiles sans pour autant atteindre la cible.
On n’était pas loin du point de départ.
Très vraisemblablement stimules par la perspective d’un séminaire de réflexion sur le légendaire front de l’Est, Herr Doktor et son équipe décidèrent de reprendre l’étude, ab initio et la gouttière fut remplacée par un tube : lisse, calibre 10 mm et de de 8 mm d’épaisseur. Le rayon restait 250 mm, l’angle de 30° et il était monté sur l’habituel 98k.
Avec une admirable persévérance, la précision resta exécrable et, en plus, les projectiles usaient rapidement l’intérieur du canon. D’abord en lui donnant une forme ovale et, après quelques centaines de coups, en y passant carrément à travers.
Les réductions du calibre ; à 9, puis à 8 mm n’eurent pas plus de succès. Il fut alors décidé de faire une dernière tentative avec un canon de 98k fortement usé et plié à froid. Herr Doktor fit remarquer qu’il était impossible d’aligner les rainures des deux canons, mais il accepta également de superviser l’expérience après avoir parcouru le bulletin météo que son prédécesseur lui avait fait parvenir de Smolensk.
Fut le succès. On commença alors à méditer sur le type d’arme susceptible d’être équipée avec l’engin que, pour une fois, on avait oublié de baptiser.
Deux prototypes des premières variantes à tube.
Le premier choix fut, bien sur, porte sur la mitrailleuse MG 34, mais la cadence de tir s’avéra être une obstacle infranchissable. La deuxième tentative, avec le fusil MP 43, donna des résultats très encourageants, surtout grâce à l’utilisation de la munition 7,9 Kurtz qui réduisait sensiblement la déformation du projectile et améliorait la précision de tir.
On commença alors à réfléchir aux améliorations. C’est ainsi qu’on tente d’alléger l’ensemble et de forer le canon, pour réduire le relèvement.
Restait encore à solutionner le problème de la fixation et : après quelques tentative avec des systèmes à baïonnette et ressorts, fut retenu le système utilise pour les prototypes, avec une bague de serrage à charnière similaire à celle utilisée pour le lance-grenades Gewehr Granat Gerät.
Muni d’un système de visée prismatique, conçus par la Busch de Rathenow et fabriques par Zeiss à Jena, la version définitive du Vorsatz J. était née !
La production en série fut lancée et les variantes furent minimes. Le model de base avait une longueur d’environ 280 mm : montait le deflecteur de gaz piramidale et le bloc intercalaire en bois. Le viseur prismatique était monté à 30° et parallèle à l’axe de tir.
L’écho favorable des performances du Vorsatz J. incita le commandement des autres corps de l’armée allemande à en étudier l’utilisation avec des véhicules blindes. La demande officielle fut introduite début 1944.
Pour cette utilisation, essentiellement destinée à protéger les véhicules, les techniciens de la Rheinmetall Borsig étudièrent des modèles avec une angle de tir de : 60, 75 et 90°. Le choix final fut porté sur le prototype à 90°, avec rayon de 250 mm et dont le canon avait un diamètre extérieur de 24,8 mm.
Le montage sur une rotule solidaire avec le blindage, permit de supprimer les percements anti-relèvement, tout en assurant une grande solidité de l’ensemble. Les tests prouvèrent que le déflecteur à 90° permettait de couvrir tous les angles morts d’un blindé avec une redoutable efficacité.
Vorsatz P., monté sur MP 43/1
La commande de l’armée, pour 20.000 Vorsatz P., complets de rotule blindée, ne put être honorée qu’à hauteur de 500 pièces, avant la fin de la guerre.
Entre-temps, désormais parfaitement mis à point le Vorsatz J. destiné aux fusils MP 43 et MP 44, la Haenel construisit un modèle applicable aux pistolets mitrailleurs : MP 38 et MP 40. Ils furent fabriques, avec les mêmes caractéristiques, mais avec une angle de tir de 40° et sous la dénomination de Vorsatz V.
Ce fut le dernier modèle mis en production. L’occupation mit fin au programme et comme ce fut le cas pour beaucoup d’autres projets, prototypes et documents aboutirent entre les mains des anciens ennemis.
Quelques temps après, l’arsenal d’Aberdeen produisit un prototype destiné au pistolet mitrailleur M3A1, avec une angle de 30° et sans viseur prismatique.
Les premiers tests n’eurent apparemment pas de suite et se termina ainsi l’aventure de l’arme qui tirait derrière les coins.